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Pourquoi je ne lis que des livres papier ?

Ça fait un moment que je n'ai plus écrit de pavé d'article ici, donc comme je vois passer de nombreux tweets et articles sur le sujet mais aucun qui reflète réellement mon cas, je me suis dit que c'était une bonne occasion.

Cela pourra paraître surprenant à ceux qui suivent un peu les articles que je relaye sur Twitter mais effectivement, je ne lis (presque) que des livres papiers (notons que je parles bien là de « livres » c'est-à-dire de textes longs. Concernant la presse et les textes courts en général, je ne les lis que sur écran). Mes raisons ne sont par contre pas celles avancées en général.

Ce n'est pas que je considère qu'un livre électronique ne serait pas un « vrai » livre mais juste une sorte de sous-produit au rabais. Ce n'est pas non plus la sensation quasi érotique que semblent ressentir certains au toucher du papier ou lorsqu'ils reniflent l'odeur d'un livre. Ni même la crainte que le livre numérique tue les auteurs à coup de piratage. Non, rien de tout ça.

Les raisons principales sont les suivantes :

  • je suis attaché aux objets
  • je préfère un support durable
  • j'ai beaucoup de mal à concevoir l'achat d'un objet immatériel
  • lire reste une des rares activités que je ne fais pas devant un écran

Cet ordre ne reflète pas un ordre d'importance, je serais bien incapable de dire laquelle de ces raisons est prépondérante. D'autant que cet aspect évolue rapidement dans le temps.

Voyons donc tout ça en détails.

L'attachement aux objets

Il s'agit là de la seule raison purement affective du lot, les autres étant plutôt pratiques et/ou philosophiques.

Lorsque je dis que je suis attaché aux objets, je ne parle pas de l'objet livre en particulier mais des objets en général. J'ai toujours été un collectionneur (certains diront plutôt « amasseur », ce qui ne serait pas forcément faux, l'idée de compléter une collection étant finalement secondaire) : gamin j'ai collectionné billes, vignettes autocollantes, pin's et autres pogs. Puis j'ai enchaîné sur les jeux de cartes à collectionner, principalement avec Magic (mais j'en ai essayé beaucoup d'autres). Il est naturel qu'en cet attrait se soit prolongé sur les livres (romans, BD, mangas) et aussi DVD, CD, etc. J'aime bien avoir plein d'objets autour de moi.

Ce c'est pas le cas de tout le monde, loin de là mais c'est mon cas et en l'occurrence c'est mon cas qui importe. Inutile d'essayer de contre-argumenter sur ce point, ce serait à peu près aussi pertinent que d'argumenter sur le fait de savoir si c'est bien ou justifié d'aimer le goût du chocolat.

Passons maintenant aux raisons plus pratiques et philosophiques où pour le coup il peut y avoir matière à argumenter ^^

La lecture, une activité hors écran

Étant développeur web, mon activité professionnelle se pratique quasi-exclusivement devant un écran. Il en va de même de la plupart de mes activités de loisirs : jeux vidéos, visionnage de séries et films, Twitter, lecture d'artcicles, blog, dessin (depuis que je ne dessine quasiment plus que sur ma tablette graphique)... Il n'y a plus grand chose qui ne soit pas sur un écran. Garder la lecture dans cette catégorie me semble sain. Je ne sais pas si c'est mieux pour mes yeux ou pas mais garder des activité hors écran me semble une bonne chose.

D'autant que ce que je lis le plus ce sont des mangas (c'est ce qui se lit le mieux dans les transports) et ça pour avoir fait le test, sur un écran c'est vraiment moyen. Autant pour du texte ça passe, autant de la BD c'est pas ça.

Un support durable

Un point très problématique avec le livre numérique c'est qu'il est facile à perdre. Certes le livre papier peut se détériorer avec l'âge ou bien brûler dans un incendie mais c'est bien peu par rapport à un livre électronique. Préserver durablement un livre électronique est à la fois plus simple et plus difficile. D'un côté il est naturellement facile à récupérer si on le perd puisqu'une copie ne coûte rien et qu'il suffit de trouver quelqu'un qui l'a mais de l'autre si on veut ne pas dépendre de quelqu'un d'autre pour nous le retrouver il faut déployer un certain niveau d'efforts pour mettre en place des sauvegardes régulières pour palier à tout ce qui peut arriver : panne matérielle, perte du support, virus, voire suppression par le fournisseur. Pour ce dernier point, je pense par exemple au cas de ce professeur qui lors d'un voyage à Singapour a eu la mauvaise surprise de voir tous ses livres supprimés par Google Play) ou encore de la fois où Amazon a si ironiquement effacé tous les exemplaires de 1984 des liseuses de ses clients. Évidemment, tous les système proposant des livres électroniques ne sont pas aussi intrusifs mais il reste que pour me priver d'un livre papier il faut s'introduire physiquement chez moi, ce qui est interdit par la loi sans invitation (et dans ce cas c'est en règle générale sous ma surveillance), alors que pour me soustraire un livre numérique c'est beaucoup plus simple et discret.

Le fait est que quand on achète un livre numérique on ne le possède pas vraiment, ce qui nous amène au point suivant.

Acheter du dématérialisé a-t-il un sens ?

J'ai toujours trouvé qu'acheter du dématérialisé dont la copie ne coûte rien et ne prive personne avait peu de sens. Le fait est que plus je creuse la question et lit des articles sur le sujet, plus je suis convaincu que c'est effectivement un non-sens, comme l'analogie assimilant le piratage à du « vol ». En effet, un livre numérique n'est pas un bien rival : si on le copie, on ne prive personne, on a juste un nouvel exemplaire. Si on le fait en dehors du cadre légal que sont la copie privée ou le téléchargement autorisé par l'ayant droit (souvent moyennant finance) on a certes commis une infraction au regard de la loi mais il ne s'agit en aucun cas d'un vol puisqu'on n'a privé personne de son exemplaire. Le seul cas qui serait assimilable à du vol ce serait si après avoir fait la copie, on effaçait l'original. Mais force est de constater que c'est très rarement le cas.

Dès lors quel sens peut avoir l'achat d'un tel bien ? Que possède-t-on lorsqu'on achète un livre numérique ? Le plus souvent la réponse est : un simple droit de lecture. En effet, la plupart des plateformes de téléchargement de livres numériques vous vendent un livre que vous ne pourrez pas donner, ni prêter, ni léguer, ni même revendre. Pire, comme évoqué plus haut, le « vendeur » peut même vous en priver à tout moment si une raison suffisante (de son point de vue) se présente. C'est bien loin de ce qu'on appelle « posséder » quelque chose.

Il y a bien des plateformes de ventes sans DRM qui donnent plus ou moins de vrais droits sur ce qu'on achète mais c'est loin d'être la règle. Et même dans ce cas quel sens cela a-t-il quand on peut copier le livre sans aucun coût ?

La vente de livres numériques (cela vaut aussi pour la musique, le cinéma ou les logiciels, hein, mais là on parle de livres) me semble bien n'être ni plus ni moins qu'une bonne grosse escroquerie intellectuelle.

Par contre cela n'exclut pas que l'auteur puisse être rémunéré. Que ce soit par crowdfunding avant la mise à disposition, par des services annexes, par des dons, etc. Il y a encore beaucoup à faire et à inventer de ce côté-là mais je suis convaincu que cela ne doit pas passer par de la vente de fichiers numériques.

Conclusion

Voilà donc pourquoi je ne lis que des livres papier. Pour autant je n'ai rien contre le fait que d'autres lisent en numérique, au contraire. Ce qui me convient à moi ne conviendra pas à d'autres et inversement. La diversification des support est donc une très bonne chose. Le seul bémol étant l'énorme perte de liberté du lecteur qui accompagne encore trop souvent les livres numériques. Espérons que ce point changera. Même si c'est globalement loin d'être gagné.

Je n'ai pas insisté trop lourdement sur les aspects rémunération des auteurs (croyez-moi j'y suis sensible, parce que même si je ne suis pas auteur de livres, je suis développeur donc auteur de logiciels, l'aspect rémunération du créateur au sens large me concerne donc aussi directement), piratage et réforme du droit d'auteur (et plus généralement de la très mal nommée « propriété » intellectuelle) car mon pavé est déjà bien assez long et que ce n'est pas directement le sujet. Mais sans doute cela donnera-t-il lieu à d'autres articles à l'avenir.